L'Esplanade de Barrouze

14/12/2015

Un des plus majestueux panorama de la haute Auvergne...

                      

Un cours de géographie "grandeur nature"...

Le massif du Cantal, avec sa superficie de 2700 km², forme l’appareil volcanique le plus vaste d’Europe, il a le profil d’un cône très aplani culminant à 1856 m au Plomb du Cantal. Deux zones sont à distinguer dans la morphologie du Cantal :

  • Une zone centrale montagneuse, au relief accidenté dont les principaux sommets (en face : c'est le puy Violent, le puy Mary étant caché derrière) sont reliés par de lignes de crêtes peu rectilignes dominant de grands amphithéâtres à la tête des vallées (L'Impramau visible de Barrouze).
  • Une zone périphérique : inclinée depuis la zone centrale jusqu’à l’extrême périphérie, elle se compose de grands plateaux aux formes grossièrement triangulaires entaillés par de larges vallées rayonnantes, lui conférant une forme étoilée (18 vallées disposées en étoile). De droite à gauche depuis Barrouze : 3 vallées : l'Aspre, Le Rat, La Maronne (affluent de la Dordogne) et 3 plateaux : le Malgorce à droite, en face le Violent, à gauche Salers.

Le massif du Cantal est un strato-volcan, synthèse, pendant l’ère tertiaire, de phases destructrices et constructrices sur 11 millions d’années. Les héritages volcaniques :

  • Formes planéziennes de plateaux aux formes grossièrement triangulaires "chapeautés" par des coulées de lave résistantes mises en relief par l'érosion différentielle et des vallées constituées de brèche (projections volcaniques cimentées dans la cendre) plus tendre à l'érosion. Ainsi en est-il de la haute planèze du Violent, planèze de Salers, pseudo planèze du Malgorce (car démantèlement du basalte).
  •  Formes mineures de dômes, pitons, coupoles : sur le plateau de Salers : la cité est installée sur deux intrusions basaltiques (1 sous vos pieds, sur lequel est bâti la ville haute et l'autre occupé par le château féodal aujourd'hui disparu), le Suc Cobru est un cône strombolien fossilisé par une coulée de lave, Le Puy de l’Agneau (au-dessus le col de Néronne) est constitué d'évents basaltiques. Sur le plateau du puy Violent : le puy Violent lui même est un petit cône strombolien de forme pyramidale, La Cumine et le Coupou sont des anciens lacs de lave déchaussés par l'érosion, Les lignes de crêtes sont des fissures éruptives (Roc des Ombres) des coulées et/ ou intrusions (puy Chavaroche).

Au cours des périodes froides du Quaternaire une calotte glaciaire aurait entièrement recouvert le massif. De puissantes langues de glaciaires occupaient vallées et plateaux. Les héritages glaciaires :

  • Vallées glaciaires : une moyenne vallée enserrée entre une haute et une basse vallée. Exemple de la vallée de la Maronne : en amont (Récusset) un profil transversal "en berceau" et une forte pente du profil longitudinal, en aval (Le Clédart) un profil "en auge" et une pente très modérée du profil longitudinal. Entre les deux (St-Paul-de-Salers), un secteur transitionnel en "V" encaissé. Particularité rare sur la région (mais courant dans les Alpes), la vallée "affluente suspendue" du Rat avec une forte dénivellation à la confluence entre le Rat et la Maronne (170m) et une gorge de raccordement creusée à la fois par le cours d'eau sous-glaciaire et par le cours d'eau, héritier de la vallée glaciaire.
  • Amphithéâtres et cirques glaciaires peu identifiables car ils ont été creusés dans des matériaux tendres (brèche), et  il n'y a pas eu 1 mais plusieurs glaciations ainsi qu’une érosion post-glaciaire. On notera quand même à la tête de la vallée de la Maronne le cirque en fond de bateau de l’Impramau, en fauteuil du Violent, et des  petits cirques perchés comme celui du Violental.
  • Lac de remblaiement limnoglaciaire : ombilic de confluence glaciaire (= bassin de surcreusement) entre la Maronne et l’Aspre, entre Fontanges et St-Martin, limité à l’aval par un verrou glaciaire (= relief de roche en place accidentant le fond de vallée) au Roc des Bancs (à côté de St-Paul-de-Salers).
  • Plateaux à modelé de fjells (La Peyrade)
  • Cols de transfluence glaciaire (= passage d’une langue glaciaire d’une vallée à l’autre) pour les cols de St-Georges et Néronne (arrondis et non pointes).

L'englacement du Massif s’est poursuivi jusqu’à une période très récente. Les espaces progressivement libérés des glaces sont soumis à une ambiance climatique très rude. L’activité morphogénique de l’eau commandée par l’alternance du gel et dégel ont rendu la cryoclastie reine. Les héritages périglaciaires :

  •  L' érosion des versants raides à corniches - Le manque de pression exercé sur les parois rocheuses par le départ des glaciers a entraîné : la chute de blocs (La chapelle monolithe de Fontanges est creusée dans un bloc brèchique descendu du versant), de pans entiers d’orgues basaltiques (mur d’escalade de la Peyrade),
  • Talus et cônes d’éboulis - Des versants bien particuliers se sont formés : des versants à gélifraction (= gros blocs fragmentés par l’effet combiné du gel et de l’eau), les versants sont réguliers, exemple sous la tête de planèze de Salers ou Lesboulière dans la vallée du Rat). Les versants à gélifluxion (=particules fines en mouvement sous l’effet de l’eau, bourrelets, changement de couleurs du tapis végétal) exemple sous le col de Néronne, du Roc de Labro à l’Impramau.

La morphologie végétale est d'une part adaptée au caractère topographique montagnard du milieu, et d'autre part au climat océanique montagnard. C'est l'étage montagnard par excellence, avec la prédominence du hêtre (entre 700 et 1400m) associé au sapin en tête de vallées (conditions climatiques plus rudes). A cet étage, la dégradation de la hêtraie par vocation pastorale, laisse place à la lande à éricacées ou pelouse montagnarde à nard. Au-dessus de 1400m et jusqu'aux sommets, l'étage subalpin se distingue  par des landes et pelouse "véritables". L'orientation joue un rôle très important : les hêtraies de l'ubac (au-dessus St-Paul) et les landes et chênaies à l'adret (sous le mur d'escalade de la Peyrade). Il existe même une originalité sur le versant exposé au sud de la Maronne (route du puy Mary), une formation de pin sylvestre entre 1080m et 1100m d'altitude... cimes couchées et cassées par le poids du manteau neigeux... D'essence étrangère à la région, les noirs épicéas du plateau d'Encourlet et des crêtes du Fau (La Roche parlante) sont dus à la politique de reboisement subventionnée par l'Etat dans les années 60/70 (fin des burons).

L’homme a su s’adapté à tous ces héritages morphologiques… : finalement la commune de Salers est toute petite (485 ha) comparée à celles de St-Paul-de-Salers qui englobe toute la montagne (3658ha) et celle de Fontanges (1804ha).

La structure agraire y est étagée, la vocation régionale y est pastorale. Dans le fond des vallées on y trouve les noyaux villageois (St-Paul-de-Salers et Fontanges) et les fermes éparses, prairies de fauche, cultures, activité sociale. Les versants forment un secteur transitoire de mi-pente avec granges d'altitude et fauche occasionnelle. Les estives ( de 1000m) constituent le dernier étage. Ces plateaux dénudés sont entretenus par l'homme grace à la pratique de la transhumance.

  •  Moutons et chèvres jusqu’en 1817 (héritage toponymique des cols et des pics : Lou Puet Biogon / Violent, Cabrespine, Chavaroche, Suc Cobru, Puy de l’Agneau), avec commerce de la laine et du cuir.
  • Bovins : montagne à lait et fromage à partir des 18 et 19ème s. (système traditionnel) avec officialisation de la race Salers en 1853 et 1200 burons (laiteries de montagnes) alors en activité.
  • Pluriactivité : cultures de prairies de fauche, seigle, orge, chanvre jusqu’en 1906 à Fontanges, teinture, alun, patates fin 19ème au Malgorce, ânes à Malrieu : vallée des ânes, commerce du bois de chauffe dans fond de vallée (Malrieu, le Fau).

Vers une nouvelle structure agraire. La déprise rurale menace depuis 1950 accompagné d'un changement du système cultural. Baisse des superficies agricoles exploitées, baisse du nombre d'exploitants agricoles, baisse du nombre de fermes, baisse du système d'exploitation traditionnel basé sur le lait, baisse démographique...  et de l'autre côté : augmentation des friches, colonisation des landes, augmentation du système de production de viande bovine, augmentation de la mécanisation (peu adaptée au milieu montagnard), augmentation des stabulations libres... Le système bocager est menacé . La part autrefois fondamentale attribuée à la prairie de fauche est désormais réorientée sur l'estive. "La Montagne" devient simple terre d'estive. Les versants peu mécanisables, voient la forêt gagner tandis que prairies de fauches et hauts plateaux accueillent les vaches des départements voisins à l'estive.....